LE REALISME CHRETIEN ET L’IDEALISME GREC
Lucien Laberthonnière – Lethielleux – 1904
Le christianisme… pour les Juifs, fut l’accomplissement des prophéties, la réalisation de la promesse. Pour les Grecs, il fut la révélation de la vérité pressentie et désirée, la participation au divin, auquel ils aspiraient par la philosophie même sans pouvoir se satisfaire.
RCIG p7
L’absolu du divin ne se communique toujours à nous qu’en s’humanisant et qu’en entrant dans nos relativités mêmes pour travailler avec nous à nous en dépouiller.
RCIG p10
Dans la cité essentiellement aristocratique des philosophes grecs, il faut des artisans et des soldats et il faut des esclaves pour qu’au-dessus d’eux et par eux, délivrés autant que possible du souci de vivre, quelques privilégiés puissent vaquer à la sagesse sans avoir à s’inquiéter ni d’eux-mêmes ni des autres. Et ceux-ci ont fait tout ce qu’ils pouvaient faire quand ils ont contemplé l’idéal. RCIG p31
Et ainsi il apparaît que toute cette sagesse consiste à penser le monde comme pour oublier de vivre, à s’enchanter de spéculations comme pour se soustraire au système poignant de l’existence et à la responsabilité que l’existence implique. Mais le mystère de l’existence et sa responsabilité sont toujours là ; et on a beau oublier de vivre, il faut vivre quand même et il faut aussi mourir.
RCIG p31
Avec le christianisme nous constatons d’abord que la préoccupation de la vie, considérée en elle-même, se substitue à la préoccupation des choses…
La question qui domine toutes les autres n’est plus : que sont les choses ? mais, que sommes-nous, d’où venons-nous et où allons-nous ? Tout est suspendu au pourquoi de la vie. A quoi sert à l’homme de gagner l’Univers s’il vient à perdre son âme ?
D’autre part, si nous regardons le christianisme dans ses sources, qui sont l’Ancien et le Nouveau Testament, nous constatons qu’au lieu de se présenter comme une doctrine abstraite…il se présenta au contraire comme constitué par des évènements occupant une place dans la réalité même du monde qui se déroule à travers le temps. A ce titre il est une histoire.
RCIG p39
La bible est donc essentiellement une explication ; elle exprime une conception de la vie et du monde…elle rend compte de nos conditions d’existence, elle dit ce que nous sommes et ce que nous devons faire ; de telle sorte qu’il faut qu’à son sujet nous prenions parti…
Dans une chronique en effet le récit est tout. Mais ici au contraire il est secondaire : c’est le sens des faits qui est le principal et avec le sens des faits l’enseignement religieux, l’enseignement métaphysique et moral que le récit porte en lui.
RCIG p41
Et ce n’est pas non plus que l’enseignement religieux, l’enseignement métaphysique et moral y soit complet, suffisant par lui-même, établi une fois pour toutes dans son intégralité, de telle sorte que, chacun individuellement, nous n’aurions qu’à l’y prendre. Non, il y est seulement dans ses principes, comme un germe fécondant déposé dans le sein de l’humanité et qui, vivant dans l’humanité, s’épanouit ensuite en efflorescences doctrinales. De là ensuite est sortie la théologie d’un Origène, d’un saint Augustin, d’un saint Thomas, d’un Duns Scot…
Et il y a lieu par conséquent de distinguer dans les récits l’essentiel de l’accidentel.
RCIG p42
Une doctrine au contraire comme celle de la Bible consiste à considérer la réalité en elle-même, dans son origine, dans son devenir et dans sa destinée, pour la penser dynamiquement en expliquant ce qu’elle est par ce qu’il y a en elle, par ce qu’elle a été et par ce qu’elle doit être.
RCIG p45
La bible est une interprétation, non une interprétation scientifique, mais une interprétation métaphysique qui, dans le matériel des faits, dans l’extérieur des événements, découvre des actes, avec tout ce que des actes au sens vital du mot comportent intellectuellement et moralement.
RCIG p46
Quand on dit qu’on a compris la conduite de quelqu’un, c’est qu’on a ramené de cette façon le dehors au dedans, et que dans la dispersion extérieure de ses gestes et de ses démarches on a vu l’intention qui les coordonne et les unifie.
RCIG p49
La bible présente d’abord la réalité dans son ensemble comme un fait divin puisqu’elle rattache ce fait à l’action même de Dieu. Et dans les évènements qu’elle raconte c’est encore l’action de Dieu qu’elle montre se mêlant à l’action humaine et déterminant nos conditions d’existence.
RCIG p49
Du point de vue chrétien, au contraire, c’est sous leur aspect concret et dans leur individualité que les existences réelles sont considérées ; c’est leur réalité même qu’on explique au lieu d’en faire abstraction…
…elles sont conçues comme produites par l’activité de Dieu ; et c’est l’intention que Dieu met en elles en les produisant qui leur donne un sens en même temps qu’une destinée ; et c’est cette intention que, pour les comprendre et pour nous comprendre nous-mêmes, nous devons retrouver en tâchant d’y répondre.
Dieu n’est donc plus une idée suprême, mais un être suprême qui vit et agit. A la place du Dieu nature, nous avons ainsi un Dieu–personne qui est une puissance d’agir…
En concevant Dieu en lui-même comme une puissance qui agit, on conçoit dans son unité une pluralité et une société qui s’engendre elle-même du dedans dans la concentration de son être. C’est la Trinité. Voilà comment pour la pensée chrétienne, en opposition fondamentale avec la pensée grecque, Dieu est l’action éternelle d’une éternelle vie, et non pas une idée ou une essence fixée dans un éternel repos…
Dieu n’agit pas seulement en lui-même et pour lui-même ; il agit hors de lui pour ce qui n’est pas et à quoi il donne l’être, et par un acte tellement transitif que le monde qui en résulte est substantiellement autre chose que lui, tout en ne subsistant que par lui.
Il n’est plus seulement présent au monde comme idéal, comme exemplaire, comme cause finale : il y est présent réellement et activement comme cause efficiente et incessamment concourante. Et, bien loin qu’il ignore le monde, le monde lui est aussi intimement présent. La réalité transcendante de son action s’introduit dans le monde et lui devient immanente. Et pour présider à sa constitution, à son devenir, à sa destinée, elle prend la forme des évènements du temps ; elle devient partie intégrante de l’histoire de l’humanité et de la vie des individus.
…tout n’existe que par l’action de Dieu …Les êtres de la nature …ont pour principe et pour fondement la volonté de Dieu qui les pose librement dans son éternité. Et en conséquence ils sont reliés à lui et reliés les uns aux autres…Et sa puissance est en dernière analyse un amour par lequel il se donne en les produisant.
RCIG p 71
De même que Dieu aime et agit pour nous faire exister en lui, il faut que nous aimions et que nous agissions pour le faire exister en nous, dans notre vie voulue et réfléchie. Telle est l’œuvre qu’en ce monde nous avons à accomplir.
Ici tout se ramène donc à l’action et par l’action à l’amour. L’amour est le principe, le moyen et la fin. C’est la raison dernière qui rend compte de tout, qui éclaircit tout, qui explique tout. Et l’amour étant libre par essence, la liberté règne au sommet comme au fond des choses.
RCIG p72
Dieu est l’être des êtres et la vie de leur vie ; il est celui qui est et qui vit par lui-même et par qui sont et vivent les autres êtres. Ce n’est pas une notion suprême, c’est une action suprême et aussi une action immanente. Ce n’est pas un premier moteur immobile, inerte au-dessus du mouvement et de la vie : il est dans le mouvement même de la vie comme principe et comme fin.
RCIG p73
Son éternité n’est pas une sorte de temps arrêté où il n’y aurait plus de vie : c’est au contraire un maximum de vie ; et c’est vers ce maximum de vie que nous tendons à travers les péripéties du temps.
RCIG p74
La doctrine chrétienne est donc un Réalisme.
RCIG p75
Et, puisque nous faisons partie d’un milieu temporel dont nous sommes un moment, puisque dans ce moment le passé se prolonge et que nous sommes liés à ce qui s’est fait, notre expérience individuelle est tout à fait inadéquate à nos conditions d’existence. Elle ne nous fournit pas tous les éléments qui nous sont nécessaires pour penser la vérité de notre être et de notre vie. Elle a donc besoin d’être complétée ; et c’est la Tradition qui la complète…
… la tradition… constitue une sorte de milieu vivant où chaque génération qui survient s’alimente intellectuellement et moralement…
Mais pour être traditionnelle la doctrine n’en est pas moins en chacun ineffablement personnelle : car elle vaut pour chacun, non dans la mesure où il la reçoit empiriquement et passivement, par ouï-dire et par tradition, mais dans la mesure où il l’acquiert par son effort propre et pour son compte, dans la mesure où elle devient sa pensée en devenant sa vie. Et cela personne ne peut le faire à la place de personne. Tout peut y aider, mais rien n’y peut suppléer.
Et ainsi la doctrine, qui par son caractère traditionnel est comme un patrimoine commun de vérité, prend en chacun la forme d’une connaissance subjective et personnelle, appropriée à sa capacité du moment. C’est à cette condition du reste qu’elle devient pour le sujet une vraie science de lui-même, une science qui est sa lumière, qui l’éclaire du dedans sur son origine et sur sa fin et qui lui permet de trouver et de reconnaître Dieu dans le mouvement même de sa vie et dans le devenir des événements …
Si donc chaque individu qui survient et qui agit et qui pense s’alimente dans la tradition, il l’alimente à son tour de sa pensée et de son action. Et de cette manière la tradition, bien loin d’être un simple dépôt qui se transmettrait à la façon d’un bloc, en qui on ne pourrait rien modifier qu’en le diminuant, devient une vérité organique qui dans l’unité essentielle de son germe va se développant, s’explicitant à travers l’humanité et utilisant tout pour se mettre en lumière.
Principe de vie, elle dure comme la vie en vivant avec elle…elle se complète, elle s’irradie en perspectives nouvelles à tous les tournants de l’histoire, comme à tous les tournants de la vie, sans cesser d’être ce qu’elle était.
Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui fut aussi le Dieu de David et des prophètes, est resté le Dieu des chrétiens ; mais la conception s’en est singulièrement agrandie en se spiritualisant de plus en plus. Dans le créateur et l’ordonnateur tout-puissant le Père qui aime s’est révélé ; dans la justice est apparue la bonté ; de serviteurs les hommes sont devenus des fils dans la famille divine.
Et, d’autre part, si pour chacun le Dieu du berceau est encore le Dieu de la tombe, la vie, quand elle est ce qu’elle doit être, n’en suppose pas moins une croissance dans la connaissance de Dieu. C’est que Dieu se fait tout à tous pour que chacun se fasse tout à lui.
De ce qu’elle est à la fois traditionnelle et personnelle en chacun, il s’ensuit donc que la doctrine chrétienne est par le fait même progressive ; et elle progresse dans l’humanité comme dans les individus, à la manière d’un enfant qui devient homme, en continuant d’être la même.
RCIG p80
Quand il s’agit de l’intention qui préside à la totalité du réel, c’est toute une vie qui, absolue en elle-même, devient pour l’homme un infini auquel il ne participe toujours qu’inadéquatement. Mais aussi elle reste toujours susceptible d’être mieux connue par un approfondissement et un élargissement incessant, comme en vivant avec un ami et en pénétrant chaque jour davantage dans son intimité, on apprend à le mieux connaître sans cesser de voir en lui ce que d’abord on y avait vu.
RCIG p 81
Il est vrai de dire que nous n’avons rien que nous ne l’ayons reçu ; et il est également vrai de dire que nous n’avons rien que nous ne l’ayons acquis.
RCIG p 84
Chacun de nous reçoit de Dieu l’être et la vie par l’intermédiaire des autres êtres qui constituent le monde et dont le Christ fait partie. Et cependant notre autonomie est telle que chacun est mis à même de ratifier ce don. Nous ne pouvons pas ne pas être et ne pas vivre par Dieu et par les autres ; mais nous pouvons vouloir ne pas être et ne pas vivre par eux afin de ne pas avoir à être et à vivre pour eux. Il n’y a donc d’eux en nous, dans notre vie voulue et réfléchie, que ce que nous y introduisons. En nous ils relèvent de nous.
Nous pouvons les méconnaître et les nier. Seulement, comme notre négation ne change rien à ce qui est, nous nous mentons alors à nous-mêmes en mentant à Dieu et aux autres. Étant par eux nous ne voulons pas être par eux : c’est l’erreur et c’est le mal. En nous refusant à eux dont nous recevons tout, nous les perdons en nous perdant nous mêmes.
Nous pouvons au contraire les reconnaître et les accueillir en transformant leur présence subie en présence consentie. nous nous mettons ainsi d’accord avec nous-mêmes et avec eux. Étant par eux nous voulons être par eux : c’est la vérité et c’est le bien. En nous donnant à eux, nous les gagnons et nous nous gagnons nous-mêmes. RCIG p87
Tandis qu’ontologiquement nous sommes et nous vivons par Dieu et par les autres, intellectuellement et moralement c’est donc par nous que Dieu et les autres existent et vivent en nous. Et ce n’est qu’en les faisant exister et vivre en nous que nous reconnaissons qu’ils existent et qu’ils vivent en eux-mêmes.
RCIG p88
Nous avons à réintégrer librement en nous ce qui s’y trouve nécessairement, c’est-à-dire indépendamment de nous. Et ce qui se trouve ainsi en nous c’est l’immensité de ce qui est, puisque nous sommes solidaires de tout. RCIG p88
Et le Christ qui sert à Dieu de médiateur pour nous conférer notre destinée nous sert à nous de médiateur pour la réaliser. Il est la voie. Et avec le Christ nous servent également les autres qui sont solidaires de lui, en qui il se prolonge et qui sont ses membres.
Nous ne pouvons nous unir à Dieu qu’en nous unissant au Christ qui vient nous chercher dans notre néant, et nous ne pouvons nous unir au Christ qu’en nous unissant aux autres allant avec nous chercher la vie dans le Christ. Il est donc en nous et parmi nous principe de cohésion et d’organisation.
Et c’est ainsi qu’il fonde et qu’il anime l’Église. L’Eglise est son corps mystique, un corps où chaque membre, en vivant de la vie commune, par les autres et pour les autres, a néanmoins sa vie propre.
RCIG p 90
De l’ensemble des efforts qui se font en elle et des épreuves qui la travaillent du dehors et du dedans, la vérité du Christ va se dégageant toujours plus pour préparer plus d’amour. Et cette vie de la vérité dont elle est l’organe doit se reproduire en chacun de ses membres, parce que si les efforts et les épreuves de tous profitent à chacun, chacun dans la solidarité universelle reste responsable de soi jusqu’au bout et jusqu’au fond.
RCIG p91
L’absolu…est dans la vie même, travaillant avec elle à se réaliser en elle et s’adaptant successivement à sa capacité.
RCIG p94
La foi a un double aspect. Elle consiste à se confier, à se donner ; et en ce sens elle est un acte par lequel le sujet sort volontairement de lui-même en reconnaissant qu’il ne se suffit pas. Mais pour se confier, pour se donner il faut avoir et savoir à qui se confier, à qui se donner….
Il n’y a donc de foi que par l’affirmation d’un être en qui l’on se confie. La foi- confiance implique toujours la foi-croyance, c’est-à-dire la foi qui affirme un objet.
RCIG Note p95
En tant que sujets (Donné en 2006) nous avons donc une autonomie dont la profondeur et l’étendue doivent tour à tour nous jeter dans l’effroi et dans le ravissement…
Elle consiste en ce que nous disposons de notre être même et, par notre être, de toute la réalité à laquelle il est lié, puisque notre action a son contrecoup jusqu’en Dieu lui-même…il s’agit d’obtenir, le salut de l’être que nous sommes, de celui-là même qui vit, qui souffre et qui meurt dans le temps.
…ce n’est jamais pour soi tout seul qu’on croit, puisque croire c’est à la fois s’ouvrir pour laisser entrer en soi Dieu et les autres et s’ouvrir aussi pour aller soi-même aux autres et à Dieu.
RCIG p100
Vivre c’est agir en fonction de Dieu et en fonction des autres ; et la fin de la vie c’est de s’harmoniser avec Dieu et avec les autres dans l’amour.
RCIG p102
La doctrine chrétienne … prétend exprimer ce que nous devons indispensablement savoir pour nous connaître et connaître notre destinée.
RCIG p 104
La vérité du Christ s’offre à nous directement par le témoignage de l’Eglise : témoignage qui n’est pas seulement verbal mais vivant et qui se produit à la fois par l’enseignement de ceux qui prêchent, par les vertus de ceux qui agissent, par les institutions où s’organisent la société chrétienne, de telle sorte que dans l’Eglise la vérité du Christ devient comme une atmosphère que nous respirons.
Ainsi envisagée…cette vérité n’est donc pas une abstraction. Elle est le rapport vivant dans lequel nous sommes avec le Christ par l’action qu’il exerce en nous et sur nous, action intérieure et extérieure à la fois, qui n’est autre que sa vie se répercutant dans notre vie, conditionnant notre destinée devenue solidaire de la sienne et qui, dans l’Eglise et par l’Eglise, est pour nous le moyen du salut.
RCIG p 163
…il ne faut pas demander à la tradition, à quelque moment qu’on la considère, une expression adéquate et définitive de la vérité qui dispenserait ceux qui surviennent de chercher à leur tour et d’avoir, à leur tour et pour leur compte, à intégrer dans leur vie la vérité du Christ.
RCIG p 172
Le Christ est acteur de vie divine dans l’humanité. Il faut ajouter qu’il devient en même temps acteur de vie humaine dans le sein de la divinité. Il est donc le centre vers lequel converge le ciel et la terre et dans lequel s’accomplit ce qu’on peut appeler la jonction de l’homme et de Dieu.
RCIG p 197
Ce qui caractérise la charité, en effet, - et ici il faut la pousser à l’infini, - c’est que celui qui est animé par elle, tout en restant ce qu’il est en lui-même, se mêle tellement aux autres, entre tellement en eux qu’il partage effectivement leur sort, qu’il travaille avec eux, qu’il souffre avec eux, qu’il a faim et soif, qu’il est tenté, qu’il a du remords, qu’il porte avec eux le poids de leur faute et de leurs erreurs, qu’il se repent avec eux et pour eux…
Voilà comment, de même que pour agir dans l’humanité, il s’est fait l’un de nous
Il s’est fait aussi l’un de nous pour parler à l’humanité. C’est à ceux qui l’entouraient, à ceux de son pays et de son temps qu’il s’est tout d’abord et directement adressé. C’est par eux, en partant de ce qu’ils étaient, qu’il a cherché à se faire comprendre…
Ce n’est point par artifice qu’Il s’est mis à leur portée, ni en retenant la vérité qui était en lui ; c’est, au contraire en se faisant l’un d’eux parce que c’était Ie seul moyen de la leur communiquer…
La vérité qu’il annonçait correspondait à une transformation intérieure…
Tout le christianisme consiste donc en ceci : que Dieu vit l’humanité et que l’humanité vit Dieu. Une vaste solidarité relie le ciel et la terre.
RCIG p 206
Le christianisme…suppose une révélation, une tradition, une autorité, parce que chacun dans sa vie individuelle est solidaire de Dieu même et solidaire de l’humanité passée et de l’humanité présente, et on a beau en appeler à la raison on ne fera pas qu’il en soit autrement. Mais la révélation, la tradition, l’autorité ne sont que des moyens à notre service. Ces moyens ne mettent pas la vérité en nous malgré nous. Et en conséquence, même avec la révélation, la tradition et l’autorité, il n’est pas seulement possible et légitime, il est indispensable de philosopher, c’est-à-dire de réfléchir, de méditer, de penser, chacun selon ses ressources et ses forces, pour comprendre et s’assimiler librement la vérité. La vérité de quelque ordre qu’elle soit ne s’obtient qu’à ce prix. si l’on n’y met pas le prix, à sa place on n’a toujours que des mots. Et le christianisme nous attribue ainsi une autonomie si complète, si profonde et si ample, que la responsabilité que nous portons en nous n’est rien moins que la responsabilité d’une éternité. Qu’on rêve grand pour l’homme tant qu’on voudra, ce qu’on rêvera sera toujours infiniment petit et misérablement mesquin à côté de cette grandeur formidable.
RCIG p109
Celui qui cherche dans la sincérité de son cœur ne perd jamais ni son temps ni sa peine.
RCIG p110
Examinons en effet ce qui se passe chez ceux qui se convertissent en lisant l’Évangile ou en entendant l’enseignement de l’Église. Ce qui attire tout d’abord et directement leur attention, c’est ce qu’on peut appeler la vérité du Christ, c’est le Christ considéré en lui-même avec ce qu’il se présente pour être, avec les paroles de vie qu’il a prononcées et qui retentissent dans leur âme, avec le rôle qu’il joue relativement à eux personnellement aussi bien que relativement aux autres. Ce qu’ils voient en lui c’est le sauveur qu’ils attendaient : de telle sorte qu’il leur apparaît non seulement comme la lumière qui les éclaire actuellement, mais encore comme l’amour qui actuellement vient les chercher dans leur misère et les sauver. RCIG p 122
Croire en lui…c’est appuyer son être au sien pour y trouver le salut, puisque c’est résoudre par lui le problème de la destinée.
RCIG p123
Pour le trouver,…pour croire en lui…Il faut aller à lui du dedans par grâce et par bonne volonté, par nécessité vitale.
RCIG p125
Le propre de la foi c’est de ne pas se suffire à elle-même. Croire, en effet, c’est se confier, c’est s’en remettre à un autre que soi.
RCIG p 127
C’est logique du moment qu’on admet que c’est par l’étude méthodique des documents qu’on accède à la vérité religieuse.
Il est vrai qu’alors on devrait se demander comment y accédaient ceux qui n’avaient pas encore de documents à étudier ni de textes à expliquer…
Mais il y a quelque chose néanmoins de bien plus important encore, puisque ce quelque chose même est l’unique nécessaire sans quoi tout le reste n’est rien : c’est de trouver dans le christianisme la vérité vitale qu’il est pour nous.
RCIG Note p131
Croire, en effet, ce n’est pas seulement savoir ce que les apôtres et ceux qui vinrent après ont cru jadis, ni non plus savoir ce que l’église croit et enseigne à l’heure actuelle. Comme en face de ces témoignages qui confessent la vérité du Christ, il y a des témoignages contradictoires qui la nient, nous sommes dans la nécessité d’opter…
L’option qui …constitue la foi nous est donc toujours personnelle…elle suppose toujours une démarche subjective, que conditionne assurément la grâce, mais où toutes les énergies de notre être entrent en jeu à la fois : cœur, intelligence et volonté. Et en optant pour la vérité du Christ nous n’optons pas pour une chose passée, mais pour une chose présente ; nous n’optons pas non plus pour une chose extérieure, mais pour une chose intérieure et intime.
Adhérer à la vérité du Christ c’est en effet se comprendre par lui pour vivre avec lui. C’est s’incorporer à lui sciemment et volontairement, en même temps que s’incorporer à l’Église par qui il vient à nous et par qui nous allons à lui. C’est rattacher notre être à son être et notre vie à sa vie.
RCIG p138
Eh ! oui, sans doute, la vérité du Christ est à l’autre bout de l’histoire…Mais nous disons qu’elle est également au bout qui nous touche. Et nous pensons même qu’il faut dire qu’elle y est davantage qu’à l’autre bout.
Et en effet, quelles que soient la netteté et la fermeté des témoignages que nous fournissent les premiers documents, malgré la lumière qui en rayonne, et si sacrés qu’ils soient pour nous dans leur grandiose simplicité, ces témoignages ne sont encore qu’une foi à ses débuts…
Partant de là comme d’un germe, l’Église en vivant de la même foi a depuis lors travaillé à en mettre au jour progressivement le contenu : elle l’a fait s’épanouir comme le grain de sénevé qui devient un arbre. Et ceci est résulté à la fois de la piété de ses fidèles, des méditations de ses mystiques, des théories de ses docteurs, des définitions de ses conciles, et aussi des contradictions qui sous mille formes se sont dressées contre elles…
Et si les paroles se transforment c’est qu’une transformation s’accomplit aussi dans les idées, parce que des questions nouvelles se posent, ou que de vieilles questions se posent autrement qu’elles ne s’étaient posées.
C’est de tout cela qu’est fait pour nous maintenant le témoignage que nous recevons du Christ, témoignage plus complet que celui du passé, plus solide aussi par suite des épreuves qu’il a dû surmonter, et en tout cas mieux adapté à nous et immédiatement à notre portée.
RCIG p151
Chercher c’est croire au moins qu’on peut trouver et c’est déjà s’orienter.
RCIG p144
Si du reste nous examinons comment en fait nous naissons à la foi ou comment la foi naît en nous, nous constaterons sans peine que les choses se passent tout simplement de la manière suivante. Sous l’un ou l’autre de ses multiples aspects, par l’enseignement oral qui se donne autour de nous ou par les livres qui la contiennent, la vérité du Christ se présente à nous. Et par suite des sollicitations intérieures qui d’autre part se produisent en nous, par suite aussi de l’inquiétude au moins sourde et de l’attente au moins secrète qui y règnent, cette vérité devient le rayon d’en haut qui répand sa clarté sur l’énigme de nos misères et de nos ténèbres, la parole de vie éternelle après laquelle nous soupirions.
C’est là le motif universel et fondamental que nous avons de nous attacher au Christ, le motif qui doit animer et féconder tous les autres…
Assurément, tout d’abord la foi qui résulte de là n’est qu’un germe…
Mais si petit que soit ce germe à son origine, c’est déjà le Christ présent et accepté, et avec le Christ c’est l’Église acceptée également, puisqu’on ne reçoit et qu’on n’accueille la vérité du Christ que par le témoignage vivant de l’Église qui nous l’apporte et la fait circuler en nous.
RCIG p148
La vérité du Christ est immense. On ne conserve ce qu’on en a qu’en cherchant à en avoir davantage.
RCIG Note p149
Aujourd’hui comme autrefois nous avons à construire la vie individuelle, la vie sociale, la réalité du monde dans la vérité du Christ.
RCIG Note p149
C’est en vivant…qu’on accueille la vérité du Christ.
RCIG p157
Nous continuons de regarder comme absolument juste l’idée qu’a eue Bossuet, dans le Discours sur l’histoire universelle, de faire du Christ le centre et la vérité de l’histoire et de se servir de l’histoire pour mettre en lumière la vérité du Christ.
RCIG Note p171
Du point de vue de l’histoire tout est devenir et mobilité. C’est que pour l’humanité comme pour les individus ce qui doit être n’est pas encore…
Nous sommes in via. Il faut que nous marchions. Mais dans ce devenir, le soutenant, le justifiant, l’expliquant, il y a un immuable qui en est à la fois le principe et la fin. Nous ne marchons qu’en nous appuyant sur lui.
RCIG p191