Morceaux choisis de Maurice Zundel tirés du livre
Le Problème que nous sommes
C’est justement cela que le témoignage de Jésus éclaire de la manière la plus profonde et la plus émouvante : Jésus nous apprend que, justement, Dieu n’est pas une Puissance solitaire qui se regarde, qui se repaît d’elle-même, qui crée un monde qui ne lui est rien en l’assujettissant à ses décrets, mais que Dieu est une éternelle communion d’amour, qu’il ne prend pas possession de lui-même d’une manière possessive, mais qu’il la donne ; que Dieu, en un mot, est libre de lui-même.
Pqns p 34
Dieu est Dieu parce qu’il se communique, qu’il est Dieu parce qu’il donne tout, qu’il n’a rien, qu’il ne peut rien posséder ; il est Dieu par ce qu’il est la désappropriation infinie et éternelle, parce qu’il a la transparence d’un enfant, une transparence où toute espèce d’appropriation est impossible, où le regard est toujours un regard vers l’Autre, où la personnalité, où le moi, n’est qu’un pur et infini altruisme.
Pqns p 40
Avec la Trinité, nous entrons dans le monde de la relation.
Pqns p 40
Dans l’Ancien Testament le péché suprême, le péché originel, c’est de vouloir être comme Dieu, dans le Nouveau, c’est cela même qui est l’unique nécessaire.
Pqns p175
Il est clair que cette aspiration incoercible à la grandeur qui est en nous, ne peut se satisfaire authentiquement qu’en rencontrant l’humilité de Dieu. (…)
Toutes nos erreurs sur Dieu se dissiperont, et toutes nos erreurs sur l’homme, si nous voyons Dieu dans son dépouillement éternel, et si nous voyons l’homme appelé à devenir ce que Dieu est, c’est-à-dire, au lieu de coller à ce moi qui nous asphyxie, il s’agit pour nous, tout d’un coup, de démarrer, de quitter tout rivage jusqu’à être emporté par l’océan divin dans une explosion d’amour éternelle.
Pqns p 45
C’est donc avec le sens d’une actualité brûlante que nous devons aborder le mystère de la Trinité divine : c’est là vraiment le berceau de notre naissance, c’est là notre lettre de noblesse, là le seul chemin vers notre humanité.
Pqns p 45
Dans un mariage d’amour, celui-là même que célèbrent tous les mystiques, il n’y a pas de supérieur et d’inférieur, il n’y a pas de dépendance et de domination, il y a un échange où l’intimité grandit avec la générosité, grandit avec la liberté –c’est la même chose –et où l’on est d’autant plus enraciné en Dieu qu’on est davantage créateur de soi et de tout ; création réciproque comme toutes les créations d’amour.
Pqns p 46
Toute la grandeur divine, toute la sainteté divine, toute la nouveauté divine, consistent précisément dans un personnalisme fondé sur une désappropriation oblative.
Pqns p 49
Celui qui a rencontré Dieu, le Dieu Trinitaire, comme un dépouillement absolu, comme une pauvreté éternelle et un amour sans retour, comme un regard qui va toujours vers l’Autre, enfin comme une liberté totale, celui-là, non seulement n’a plus rien à objecter, mais il ne peut que s’émerveiller de rencontrer enfin au fond de lui-même cette source qui jaillit en vie éternelle et d’apprendre par la Révélation de Jésus, dans cette confidence trinitaire qui est au cœur de l’Evangile, que notre autonomie ne peut être qu’à la manière de Dieu une désappropriation radicale.
Personne ne s’est donné l’existence, pas même Dieu ! C’est seulement à partir de la vie qu’il est possible de faire de notre existence une source, une origine, un espace et un don : Dieu, lui-même et d’abord, se donne éternellement et c’est pour cela qu’il est Dieu éternellement. Dieu n’a de prise sur son être qu’en Le communiquant, et c’est pour cela que la Création ne peut que refléter cette liberté divine et offrir à Dieu cette réponse d’amour entièrement spontanée et filiale.
Pqns p53
Il faut donc dire et redire que les apôtres eux-mêmes et les contemporains de Jésus qui ont pu l’approcher et le voir en Palestine n’ont vu qu’un homme, un homme tout à fait exceptionnel certes.
Pqns p 61
Comment ne pas sentir l’ambiguïté d’une parole –d’ailleurs très émouvante- comme celle de saint Paul aux Romains : « Dieu n’a pas épargné son propre Fils (Rm8,32). Cette parole fait évidemment allusion au sacrifice d’Abraham et transpose dans la Divinité le sacrifice d’Abraham, lequel d’ailleurs devrait être soumis à une sérieuse exégèse pour ne pas nous scandaliser.
Il est évident que cette transposition du sacrifice d’Abraham à la Divinité est absolument irrecevable (sauf si l’on traduit : Dieu n’a pas épargné Dieu ! Dieu ne s’est pas épargné lui-même !) : rien ne peut nous scandaliser davantage que le sentiment que Dieu n’a pas épargné son propre Fils !
Sur la Croix, c’est la Divinité tout entière, Père, Fils et Saint-Esprit qui s’exprime et qui meurt, qui meurt d’amour !
Et, de même, la solidarité de l’humanité de Jésus Christ avec tous les hommes est solidarité de la Trinité entière.
Pqns p 64
En Dieu, la filiation divine est, comme la paternité divine, comme l’aspiration divine, le mode personnel d’exister compatible avec la sainteté de Dieu, le seul compatible avec cette sainteté de Dieu qui ne peut s’exprimer que sous forme d’altruisme.
Pqns p 68
« Nous n’avons pas seulement été faits chrétiens, nous avons été faits Christ » (Saint Augustin).
Pqns p78
Dieu apparaît comme le ferment de notre libération, comme celui qui ne peut jamais nous contraindre, jamais s’imposer, comme celui dont la Présence ne peut s’attester que sous forme de libération.
Pqns 89
Il ne s’agit pas d’adorer au sens de se soumettre à une puissance et d’en reconnaître la majesté : l’adoration, c’est ce dialogue d’amour où il n’y a plus ni maître ni esclave, ni autorité ni dépendance, où il n’y a plus que l’amour.
Pqns p 90
Cela veut dire que l’Incarnation est la communication faite à l’humanité du Christ –au bénéfice de toute l’humanité et de tout l’univers-, de la pauvreté infinie qui constitue la personnalité en Dieu.
Pqns p 102
Il en sera toujours ainsi : Dieu ne cessera jamais de mourir pour ceux qui refusent de l’aimer, comme Pascal l’a si admirablement éprouvé lorsqu’il écrit : « Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps-là ».
Pqns p 107
Aujourd’hui, Dieu nous est confié, aujourd’hui le règne de Dieu doit s’accomplir par nos mains, aujourd’hui la présence de Dieu ne peut s’exprimer qu’à travers notre présence. (…) Qu’est-ce que nous faisons pour rendre la vie humaine plus grande, plus noble, plus libre et plus belle ? Rien n’est plus urgent pour nous que d’entrer dans cette mission. Rien n’est plus urgent pour nous que de prendre soin de la vie divine. Notre-Seigneur a dit cette parole : « Celui qui fait la volonté de Dieu est mon frère et ma sœur et ma mère » (Mc 3,35).
Pqns p 108
L’au-delà est au-dedans, il n’est pas « après », il n’est pas derrière les nuages ou au-dessus des étoiles, il est ici, maintenant, dans un présent qui demeure et peut demeurer, et est appelé à demeurer normalement à jamais !(…)
Et Dieu est à genoux. Il est à genoux !(…)
Dieu est ici, maintenant le partenaire d’une aventure qui ne peut pas s‘accomplir sans nous. Il est là avec tout son Amour, et il est là dans la grandeur unique qui est une grandeur de générosité.
Pqns p 111
Ce mot de gloire est, comme beaucoup d’autres, piégé, il a été vidé de son sens premier, celui de la reconnaissance de ce qu’est une personne : ici, c’est dans ce dépouillement absolu qu’on « expérimente » qui est Jésus Christ, et donc qui est ce Dieu qu’il vient nous révéler : un Dieu pauvre !
Pqns p 119
Ce que Notre-Seigneur nous apporte, cette révélation essentielle qui change tout, qui nous délivre essentiellement, c’est précisément cette confiance ineffable et inépuisable où nous apprenons, par le témoignage de Jésus Christ, que Dieu n’est pas un être solitaire… Dieu est vraiment plus simple et plus immédiatement accessible ; que Dieu est une communion d’amour !
Qu’il est une communion d’amour, qu’il n’y a rien d’autre en lui que l’amour, qu’il se vide éternellement de lui-même, le Père dans le Fils, le Fils dans le Père et l’Esprit Saint dans l’Un et l’Autre et que la vie divine ne fait que circuler comme un don éternel, chaque personne en Dieu n’étant qu’une relation à l’Autre dans une désappropriation totale d’elle-même, Dieu réalisant dans le secret le plus intime de lui-même cette pauvreté qui est la première béatitude, cette pauvreté que saint François a tant aimée, qu’il a chantée sur toutes les routes de la terre parce qu’il savait qu’elle était le grand secret de Dieu. (…)
Dieu n’a rien, parce qu’il donne tout, parce que justement sa divinité n’est pas autre chose que son dépouillement et sa pauvreté. (…)
Nous ne sommes plus sous un joug, nous ne portons plus une servitude, nous ne sommes plus les sujets d’un souverain qui nous dominerait.
Pqns p 121
Ola grandeur ne consiste pas à se mettre au-dessus et à exiger, la grandeur ne consiste pas à commander, la grandeur, pour être grandeur, consiste à se donner et celui-là est le plus grand qui se donne le plus !
Pqns p 123
Jésus-Christ est un témoignage, Jésus Christ témoigne de ce qu’il vit, il témoigne de ce qu’il est, et il nous communique cette expérience qu’il est afin qu’elle devienne la nôtre.
Pqns p 125
Si Dieu est unique, ce n’est pas parce que la monarchie absolue doit régner dans les cieux (il n’y a d’autre ciel d’ailleurs que Lui-même au plus intime de nous), c’est parce que Dieu signifie justement un amour qui possède en lui-même et par lui-même toutes les conditions d’un don absolu, indépassable, souverain, éternel et parfait…
Pqns p 130
Le mystère chrétien n’est pas une chose obscure, c’est une lumière qu’on ne peut pas exprimer et qu’on ne peut pas épuiser. C’est tout le contraire d’un écran , (…) d’un mur contre lequel on vient buter : c’est tout l’espace qui s’ouvre ! On pourra s’avancer éternellement, éternellement, éternellement… Ce sera toujours, toujours nouveau, on ne l’épuisera jamais !
Pqns p 131
Le Père ne se regarde pas, il n’est qu’un regard vers le Fils ! Le Fils ne se regarde pas, il n’est qu’un regard vers le Père ! et le Fils et le Père ne s’idolâtrent pas : ils ne sont qu’un élan vers le Saint-Esprit qui respire le Père et le Fils. La vie divine est ainsi en état de pauvreté.
Pqns p 132
Etre parfait comme Dieu, c’est être parfait à la manière de Dieu, qui consiste précisément à se dépouiller radicalement, en n’ayant prise sur son être qu’en le communiquant.
Pqns p 135
Nous sommes appelés à être Dieu, c’est-à-dire à nous accomplir à la manière de Dieu.
Pqns p 135
L’esprit, c’est cette capacité qui enveloppe tout notre être, cette capacité de ne pas nous subir mais de jaillir tout neufs à chaque instant, d’une rencontre nouvelle avec l’Infini en personne.
Pqns p 136
En 451, le concile de Chalcédoine a nettement défini qu’il n’y avait ni confusion ni mélange dans le Christ entre sa nature divine et sa nature humaine : la nature humaine reste une créature qui a commencé d’exister au jour de l’Annonciation en le sein de Marie. (…) Ce qui est communiqué à la nature humaine de Jésus dès le premier instant de son existence, c’est la pauvreté même, et cette pauvreté est constituante de la personnalité divine. (…) Le Christ a révélé que son mystère est un mystère de dépouillement, un mystère de pauvreté qu’il peut nous révéler parce qu’il la vit à fond.(…) Il peut accueillir toute l’humanité et tout l’univers, il le peut parce qu’il ne possède rien, (…) tout ce qu’il fait, tout ce qu’il est, tout ce qu’il dit, est toujours la révélation de ce Dieu qui est entré par lui dans notre Histoire. (…) Le mystère de la Trinité ne pouvait être révélé que par Quelqu’un qui le vivait.
Pqns p 142
La croix veut dire que Dieu apprécie notre vie au prix de la sienne. La Croix veut dire que notre liberté est si inviolable que Dieu, non seulement ne peut rien entreprendre contre elle –puisqu’il en est le ferment et la caution-, mais que, pour la conquérir, il n’hésite pas à encourir la mort de la croix !
L’homme prend donc une mesure incroyable du fait de l’apparition du Christ, une grandeur incroyable, une grandeur proprement infinie dont Dieu est la mesure et la caution.
Pqns p 144
Ce que nous admirons et qui nous émerveille dans la grandeur humaine : cette générosité du don de soi.
Pqns p 144
Notre tâche est de nous enraciner au cœur de la Trinité divine, puisque c’est là que nous avons notre berceau : c’est dans cette respiration (ou re-spiration) d’un Dieu saint, d’un Dieu-Charité, d’un Dieu tout Amour, d’un Dieu qui ne colle pas à soi, d’un Dieu qui n’est qu’un concert de relations au Cœur de son intimité que nous avons à vivre, c’est ce Dieu-là qui seul peut nous intéresser, nous passionner et nous faire entrer dans une aventure incommensurable parce que si, à chaque instant et toujours, et à l’égard de toute créature, et de toute l’Histoire et de tout l’univers, je suis chargé d’enfanter Dieu, de le révéler et de le communiquer, il n’y a pas un instant où ma vie ne prenne une dimension infinie et une portée éternelle.
Ce qu’il faut révéler, c’est le Dieu qu’Augustin découvre au jour de sa conversion, le Dieu que Jésus rend sensible à la Samaritaine de l’Evangile de Jean, le Dieu agenouillé au lavement des pieds, le Dieu en agonie au jardin de Gethsémani, enfin ce Dieu qui, à travers le visage du prochain, appelle notre assistance, notre respect et notre amour.
Pqns p 146
Notre-Seigneur donnera de Dieu ce Visage de l’Amour crucifié qui ne peut rien d’autre que s’offrir, parce qu’il n’est rien d’autre que l’Amour
Pqns p 147
Comment prouver mieux que le Royaume de Dieu est à l’intérieur de nous-mêmes… Comment, pour Jésus, le prouver mieux qu’en s’agenouillant lui-même devant ses disciples et en leur lavant les pieds, en faisant à leur égard le geste de l’esclave, ce geste scandaleux en apparence, ce geste qui opère la transmutation de toutes les valeurs (…) En effet, pour admettre ce geste il faut renoncer à voir Dieu comme une grandeur extérieure ! Pour admettre ce geste, il faut comprendre que la suprême grandeur de Dieu, c’est son humilité et sa charité, c’est son dépouillement dans le mystère de la Trinité divine, c’est son amour illimité : celui qui aime le plus, c’est celui-là qui est le plus grand ! Celui qui peut se donner à l’infini, c’est Celui-là qui est Dieu !
Jésus, à genoux, renverse toutes nos grandeurs pyramidales (…) il nous conduit par cette leçon de choses à l’apprentissage de la vraie grandeur. Il donne au plus petit la possibilité de devenir quelqu’un.(…) Il supprime entre les hommes ces compétitions mortelles qui aboutissent à la haine. (…) Ce geste du lavement des pieds nous introduit de la manière la plus profonde dans le mystère de la Croix. Il nous donne de comprendre, ou du moins de deviner, que la carrière de Jésus va se terminer par un échec et que cet échec est aussi la plus haute révélation de Dieu, parce que ce qui importe à Dieu, c’est justement qu’il apparaisse toujours comme l’Amour infini, c’est qu’il persévère dans son amour, même si nous Le trahissons, même si nous le Renions, même si nous L’abandonnons, même si nous ne lui opposons que notre indifférence. Son triomphe, c’est d’aimer toujours, d’aimer jusqu’à la mort de la Croix !
Pqns p 166
La seule grandeur est le don de soi. Aussi bien est-ce par le don de nous-mêmes que nous avons à Le rencontrer.
Pqns p 171
Dieu n’est pas plus en Jésus Christ qu’en nous : il est en nous autant qu’en Jésus Christ, c’est nous qui ne sommes pas en Dieu. (…) Chacun de nous est appelé à être une incarnation de Dieu, chacun de nous est appelé à laisser resplendir la Divinité, chacun de nous est appelé à devenir transparence, et toute la grandeur humaine est là !
Pqns p 172
Un Dieu dont toute la vie intime est un concert de relations : il n’a de prise sur soi qu’en se communiquant (…) Un Dieu qui est tout Amour, qui n’est rien qu’Amour, qui est tout Cœur, qui n’est rien qu’un Cœur.(…) un Dieu donc désarmé, un Dieu fragile, un Dieu que n’importe qui peut tuer, un Dieu qui attendra, un Dieu qui ne pourra jamais nous contraindre, un Dieu qui ne pourra jamais s’imposer
Pqns p 193
La création ne peut être que le débordement de ce dépouillement divin, de cette pauvreté, de cette désappropriation, de cet amour infinis. Si bien que la Création prend immédiatement le visage d’une histoire à deux, celle d’un mariage d’amour où le oui de la créature aura à se créer elle-même, à fermer l’anneau d’or des fiançailles éternelles et que Dieu sera au-dedans d’elle comme un amour qui fonde son inviolabilité.
Le rythme du monde est un rythme nuptial : le monde ne peut être que cette collaboration d’amour entre Dieu et l’univers, où l’univers doit jouer sa part, indispensable, et où la dépendance est réciproque. (…)
La dignité de la Création est donc infiniment assurée puisqu’elle est dans une sorte d’égalité avec Dieu. Et cette égalité va si loin, ou plutôt cette réciprocité d’amour va si loin que Dieu peut échouer. (…)
Ce monde ne pourra pas s’accomplir sans sa propre collaboration, sans se faire lui-même, et Dieu par conséquent le suscite pour qu’il se fasse lui-même.
Pqns p 198
Les enfants, sous un certain aspect, doivent tout à leurs parents, ils dépendent essentiellement d’eux quand ils sont petits et ne peuvent alors subsister que par eux. Mais la paternité et la maternité vont consister précisément à annuler cette dépendance dans le respect de la conscience de l’enfant.
Pqns p 199
La vie de l’esprit est une vie virginale, une vie qui n’a pas de contact avec soi, sinon à travers le dépouillement total, à travers cette relation à l’Autre qui fait de toute la vie une offrande d’amour.
Pqns p 201
« Au commencement est la relation ! » (…)
En Dieu il n’y a qu’une seule manière d’exister, c’est de se donner. (…) Dieu n’a de prise sur son être qu’en le communiquant. (…) Dieu ne peut pas dominer : ça n’a pas de sens ! Il ne peut pas nous écraser, c’est impossible ! Il ne peut vouloir de lui à nous que des rapports de liberté, ceux que nous contractons d’ailleurs tout à fait spontanément avec la vérité qui est un autre nom de Dieu. La vérité ne nous apparaît pas comme une menace ou une contrainte, mais, tout au contraire, comme une liberté, comme un espace : elle nous comble. Et les plus grands savants connaissent cette joie merveilleuse, qu’ils appellent la joie de connaître, où l’on est soi dans un autre et pour lui.
Pqns p 206
Dieu est Dieu parce qu’il n’a rien et en peut rien avoir, Dieu est Dieu parce qu’il est incapable de rien dominer, parce qu’il ne peut que se donner. Dieu est Dieu parce qu’il est essentiellement l’espace où notre liberté respire. (…) C’est ce Dieu-là, ce vrai Dieu qui se révèle en Jésus Christ, qui peut seul nous mettre sur le chemin de notre divinisation.
Pqns p 223
Le christianisme a à se mettre d’accord non pas sur un corps de doctrines, mais sur une expérience fondamentale qui est l’expérience de la démission, de l’altruisme fondé sur l’altruisme de Dieu dans le mystère des trois Personnes : le Nouveau Testament (…) c’est l’expression d’une confidence où l’intimité de Dieu se livre à la nôtre. (…) S’il est le dépouillement absolu d’une humanité qui communique le dépouillement infini de Dieu en personne, il est évident que le christianisme ne peut se présenter aux hommes que sous cette forme d’accueil illimité, de démission totale, de désappropriation radicale, ce qui est symbolisé, de la façon la plus simple et la plus irrésistible, dans l’agenouillement de Jésus au lavement des pieds.
Il s’agit d’être à genoux devant ce Dieu caché dans le cœur des hommes, et, dans cet agenouillement même, de leur révéler le trésor infini qu’ils portent en eux.
Pqns p 259
La religion de Jésus est (…) une religion du dialogue, une religion de la réciprocité, une religion où Dieu ne s’impose jamais tout en se proposant toujours, une religion qui est une histoire à deux où nous avons à devenir les collaborateurs de Dieu, où Dieu ne peut rien faire sans nous, comme nous ne pouvons rien faire sans lui…
Pqns p 261
La sainteté, c’est d’être la joie des autres, c’est de rendre la vie plus belle. La sainteté, c’est d’être un espace où la liberté respire, c’est de conduire chacun à la découverte que nous sommes chargés du destin de Dieu. (…)
Dieu ne peut pas être une réalité de l’histoire si sa présence ne passe pas par nous : nous sommes l’insertion temporelle de Dieu dans l’univers visible. (…)
Accomplir le bien, c’est le décrucifier, c’est le faire naître, c’est revivre les mystères de l’Annonciation et de la nativité et même, comme le demande Jésus dans l’Evangile, devenir la mère de Dieu !…
Il s’agit d’être le berceau de Jésus, de lui donner en nous une humanité de surcroît, de le laisser envahir en nous tout notre être pour qu’il soit une présence actuelle dans l’histoire d’aujourd’hui.(…)
Il s’agit d’apporter aux autres le sourire de Dieu, il s’agit d’être « gracieux » des pieds à la tête, pour manifester l’état de grâce, en apportant partout ce rayonnement de la beauté et de la bonté de Dieu.
Pqns p 263
Il ne s’agit pas de faire une propagande indiscrète, il ne s’agit pas d’encombrer les autres de nos convictions, il s’agit de laisser rayonner une Présence, car tout le christianisme est une Présence qui est un présent, un cadeau, une lumière, la grâce de l’éternelle beauté. (…) Il s‘agit d’entourer chaque être humain de cet honneur dont il faut nous prévenir les uns les autres, et de créer autour de lui un espace de lumière et de respect.
Pqns p 266
La grandeur de Dieu, parce qu’elle est une grandeur de don, une grandeur d’amour, une grandeur d’humilité, nous met sur la seule voie possible de notre réalisation, puisque la grandeur de Dieu nous invite à l’imiter, à lui ressembler, à devenir ce qu’elle est, donc à nous donner totalement pour nous réaliser infiniment.
Pqns p 298
Le dernier secret de notre liberté, c’est de libérer Dieu lui-même en nous, de lui donner un espace où il puisse répandre sa vie, où il puisse la révéler et la communiquer : nous devenons ainsi en quelque sorte la Providence de Dieu dans l’Histoire du monde ! Car, dans ce monde, dans notre histoire, Dieu ne peut se faire jour et devenir un événement qu’à travers la transformation de notre vie.
Pqns p 299
Dieu nous a tout donné puisqu’il s’est donné lui-même et ne cesse de se donner à nous et de nous attendre au fond de notre cœur. Nous avons donc une grandeur infinie à réaliser –mais à la manière de Dieu, c’est-à-dire dans l’humilité.
Pqns p 300
Dieu est liberté et nous appelle à la liberté, et la vocation de toute créature, c’est de Lui ressembler ; c’est de ne pas subir son existence, mais d’en faire une offrande et un don.
Pqns p 304
Il s’agit donc pour nous de prendre conscience à la fois de ce qu’est l’homme, de sa naissance, de l’extrême difficulté de cette conquête de nous-même par nous-même.(…) Tout être qui approche de Dieu authentiquement, nous le reconnaissons précisément à cela, qu’il est libre de lui-même. C’est l’effet propre de la Présence divine de nous libérer de nous-même, parce que Dieu est essentiellement libre de lui-même dans cette communion d’amour qui est le mystère adorable, lumineux, de la Sainte Trinité.
Pqns p 306
La vraie connaissance, c’est celle qui est une naissance, et la connaissance de Dieu plus qu’aucune autre exige notre transformation. Si la Révélation antique de l’Ancien Testament est si souvent imparfaite, cela tient bien entendu aux balbutiements dont Dieu doit user pour parler à l’homme. Il s’agit d’un dialogue, et un dialogue est fondé sur la réciprocité ; il n’est vrai que si l’un –et il s’agit de celui qui est adulte- s’adapte aux balbutiements de l’autre. Dieu balbutie constamment dans la Bible parce qu’il a affaire à un être infantile qu’il faut promouvoir à l’âge adulte, dont il faut respecter la progression.
Pqns p 312
Ce Dieu intérieur, ce Dieu libre, ne peut créer qu’un monde libre, un univers spirituel ; il le pose en face de lui comme une Divinité, il le pose en face de lui comme une puissance créatrice qui devra –et ça, de sa propre autonomie- prononcer ce oui qui achèvera sa création.
Pqns p 313
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