Croire au Dieu qui vient
L’amour comme altérité : la relation Père-Fils
Car la relation d’amour, au contraire de l’acte d’engendrement, inspire et instaure la parfaite égalité et ressemblance entre les termes qu’elle unit…
Là où l’amour est parfait, la relation d’amour est de totale réciprocité ; elle veut et elle opère l’égalité et la ressemblance entre les sujets qu’elle unit, elle réclame autant de reconnaissance de la part de l’aimant que de l’aimé ; des deux côtés, l’amour est offert ou donné nécessairement et sans réserve, accueilli ou rendu en parfaite gratuité et gratitude…
CDC p 473
L’Esprit se présuppose dans l’amour que se partagent et qui départage Père et Fils, il est l’espace où se déploient leurs échanges, l’élan de réciprocité qui rythme la circulation de l’amour entre don et accueil, le souffle, le battement, la respiration de l’amour alternativement inhalé et exhalé. Il est la connexion de l’un et de l’autre, l’amour qui les attache l’un à l’autre sous le mode d’être l’un dans l’autre et qui, du même mouvement, arrache chacun à la prise de l’autre et lui donne d’exister en sujet libre et indépendant qui veut la liberté de l’autre autant que la sienne propre. C’est pourquoi le même amour qui pose Père et Fils à part l’un de l’autre dépose l’Esprit à la jointure de l’un et de l’autre, les tenant embrassés en même temps qu’affrontés, comme le reflet l’un de l’autre. Et voilà pourquoi l’Esprit ne se révèle pas en solitaire, mais tantôt comme Esprit du Père, tantôt comme Esprit du Fils, et renvoyant toujours de l’un à l’autre.
CDV p 473
La théologie trinitaire est particulièrement attentive à discerner et à maintenir les “propriétés” “incommunicables” qui font la distinction et le nombre des “personnes” divines. Dans la catégorie de l’amour, la distinction trinitaire montre surtout un Dieu en acte de communiquer en et avec lui-même, de mettre ce qu’il a de propre en commun, elle manifeste la subjectivité de Dieu, sa liberté, son affectivité, son activité, sa capacité d’apparaître, sa disposition à se révéler, son aptitude à se tourner vers d’autres et à se donner à eux.
CDV p 474
La trinité ne s’est pas révélée pour dévoiler les mystères de la constitution de l’être divin, elle s’est déployée dans l’histoire pour tracer le chemin des créatures vers Dieu. Révélant que la vérité de Dieu est l’amour, non la domination, elle apprend à le chercher dans la liberté de l’amour et non dans la peur de sa justice. Mieux que cela, elle montre que Dieu est lui- même à notre recherche, qu’on ne le trouve que par la communication qu’il nous fait de son amour. Voilà pourquoi la révélation du vrai Dieu par le Christ se consomme dans le don du Saint-Esprit, qui est pour nous ce qu’il est entre le Père et le Fils : communion dans le même amour.
CDV p 474
La révélation de la trinité ne donne pas la connaissance de ce que Dieu est en soi et pour soi sans faire savoir qu’il est pour nous, puisque nous ne le connaissons en vérité que par la participation qu’il nous donne à ce qu’il est en lui-même. Nous ne le connaîtrons dans la vérité de son être que lorsqu’il nous aura introduits dans son intimité en nous donnant d’y vivre et d’en vivre pour l’éternité ; d’ici là, nous le connaissons vraiment grâce au don de l’Esprit, mais seulement à travers le don qu’il nous fait comme au-dehors de lui-même, faisant en nous sa demeure tant que nous ne sommes pas encore établis dans la sienne. Avant la révélation trinitaire, l’homme pouvait connaître Dieu comme un être solitaire et tout-puissant ou comme une pluralité d’existants potentiellement rivaux ; la révélation nous apprend que Dieu n’est pas solitude ni dispersion, mais don et communication. Il n’est pas à notre recherche comme s’il avait besoin de s’imposer à nous, de nous faire sentir sa puissance, besoin qu’on s’occupe de lui, il ne quémande pas notre amour comme s’il en était privé. La révélation de la trinité est le don de l’amour qui nous révèle ce que nous sommes, car l’Esprit qui la révèle est Esprit à la fois de vérité et d’amour, il dévoile à l’homme son propre mystère en l’initiant à celui de Dieu dont l’homme est le reflet.
CDV p 474